PARCE QU’IL FAUT BIEN UN VOYAGE

J’ai un bon copain, que j’ai rencontré d’une manière assez peu conventionnelle. Il fait des films et s’appelle Raphaël, comme moi. Un jour, il a tapé son nom sur Google pour vérifier s’il sortait dans les résultats, et il m’a trouvé moi. On s’est rencontrés, et on s’est plus vraiment quittés. On se ressemble pas mal, à part qu’il est aussi aventurier que moi quand je rêve de moi être un aventurier.
Il y a plusieurs années désormais, il était scolarisé au Pays de Galles dans une école de cinéma et a obtenu une bourse pour un projet, un documentaire sur une civilisation disparue des îles Canaries. Raff, il a le talent pour trouver des sujets que personne ne connaît, car il s’intéresse à beaucoup de choses, y compris à l’histoire et à la géographie, ces matières obscures pour lesquelles on a dû me donner 5 points au Bac et que je ne cesse de poursuivre depuis que j’ai dépassé la barre des 30 ans, indiquant avec pertinence que j’aurais dû voyager dans ma prime jeunesse au lieu de revoir 250 fois Les dents de la mer.

N’écoutant que sa passion, Raff a mis sa caméra dans une valise, et toutes ses économies dans un voyage version Seigneur des anneaux, sac sur le dos et accompagné de son Sam personnel Florian « Flob » le géologue. Ils ont cheminé inlassablement le long du désert rocheux de Tennerife, visité l’île de la Palma, les grottes troglodytes, dormi au flanc de volcans pas tout à fait éteints, parcouru les différents musées et parlé à des dizaines de personnes. L’aventure a duré des mois, des années. Tantôt en camping-repérage, tantôt en bateau, tantôt en avion, ils finirent par traverser l’Atlantique et découvrirent les Caraïbes. Au cours du périple, ils menèrent de nombreuses interviews et identifièrent des spécialistes avec lesquels ils établirent de longues correspondances.

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Sauvages en terres lointaines explore le monde des Guanches, une population d’aborigènes de l’archipel des Canaries. Un nuage de mystère entoure ce peuple dont on connaît mal les origines. Les ethnologues théorisent en effet qu’ils auraient pu être des Cro Magnons, ou un peuple d’Afrique du Nord ayant migré sur l’archipel. Mais ni les causes, ni les conditions de ce passage ne sont connues. Ce sont donc sur leurs traces que Raff et Flob se sont lancés, recueillant des images des sites de vie, des grottes où on peut encore trouver des signes rupestres. Les Guanches avaient développé une langue qui leur était propre, à base de sifflements puissants, pour communiquer d’un vallon à un autre.
Le documentaire s’attache à mieux les connaître, à regrouper les informations et les légendes qui les entourent. On sait qu’au 15ème siècle, les Guanches ont été vaincus par les Conquistadors. Des écrits de cette époque témoignent de cette rencontre… et la question demeure : que reste-t-il de cette civilisation ? A-t-elle été exterminée ou a-t-elle évolué d’une quelconque manière ?

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Le cinéaste se régale de ces récits et de ces intrigues. Dès les premières minutes, on est complètement pris au jeu, embarqué sur l’océan à la poursuite de l’Histoire. Les images sont superbes et démontrent une richesse de recherche et la beauté du chemin emprunté, mis en musique par une émouvante partition de Nina Humphreys, une compositrice britannique rappelant les meilleures heures de Lisa Gerrard. La voix off de James Beaumont, charismatique, est une de ces voix d’ancien qu’on écouterait des heures durant nous refaire le monde. Dommage, ça ne durera que le temps d’un unitaire de 52 minutes, là où on aurait aimé en voir, en savoir plus. Rigueur des formats oblige. Mais le montage est aux petits oignons, dans un style très National Geographic sans pour autant être trop conventionnel et on reconnaît assez bien la patte de son créateur !
Pour en arriver là, il aura fallu bien des rushes… je me rappellerai longtemps le message de Raphaël quand, alignant le métrage sur la timeline de Final Cut Pro, il s’exclamait : « on a trouvé la limite de Final Cut, on ne peut pas y mettre plus de 15 heures de bout à bout ! » Et ainsi avait commencé le tri, très très long tri, menant à une version optimisée pour l’écran.

Le film, sous deux versions (longue et courte), a été montré à plusieurs distributeurs et a depuis été accueilli par différents festivals internationaux. Un succès mérité pour un film construit à l’huile de coude et à la sueur, une oeuvre authentique, forcément magique.

Sauvages en terres lointaines (Savages in foreign land) de Raphaël Biss (2015).
Musique : Nina Humphreys. Voix Off : James Beaumont. Sound design et mixage : Todd Warren (HDsound).
Pour les dates et lieux de diffusion, et bien d’autres choses encore, retrouvez le film sur sa page Facebook : https://www.facebook.com/GuanchesLostCivilization/

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Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. C'est moi Sim dit :

    Revoir 250 fois « Les Dents de la mer » vaut bien 4 tours du monde. Je ne m’ennuierai jamais de faire du surplace !

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